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Les chansons de Ludovic - Vincent Delerm

(Re)découvrez l'originalité de la chanson française et francophone !
Ludovic Gourvennec

Je suis professeur de français et j'ai effectué l'essentiel de ma carrière à l'étranger. Je suis actuellement en poste dans le réseau des Écoles européennes. J'ai soutenu une thèse de doctorat consacrée à la chanson.

Pour vous aider à exploiter mes chansons en classe, n'hésitez pas à feuilleter mon article tiré de la revue de l'Association belge des professeurs de français "Vivre le français" : "Classe de FLE : 20 activités pour exploiter une chanson"

Ludovic Gourvennec

On s’intéresse cette semaine à Vincent Delerm, valeur (méga) sûre de la chanson française. S’il a pu passer à une époque pour un chanteur un peu intello, voire bobo, cette impression s’est estompée au fil de ses albums réguliers et des collaborations diverses (notamment avec ses amis du label Tôt Ou Tard qui le produit – écoutez « Les gens qui doutent » (1977), chanson d’Anne Sylvestre reprise en 2007 avec Albin de la Simone et Jeanne Cherhal, c’est magnifique). 

Son œuvre est imprégnée de littérature (son père Philippe est auteur et sa mère Martine illustratrice) mais aussi de cinéma (il a rédigé un mémoire de maîtrise sur François Truffaut et a réalisé quelques œuvres filmiques). Marquées par une belle tonalité mélancolique, ses chansons articulent textes, mélodies, instruments et voix dans une forme de poésie sensible, une certaine simplicité pas du tout hautaine, souvent matinée d’humour. C’est en fait de la chanson humaine. Mais c’est aussi sur scène qu’il donne la pleine mesure de son talent. Je l’ai vu au Cirque Royal de Bruxelles en 2020 et ce fut réellement un choc émotionnel : c’était magnifique de douceur, de mélodies, de poésie, de finesse, de délicatesse, et de sourires à la fois (on s’est marré car il fait preuve d’un humour très décalé !), avec ce piano-voix très présent, des projections (films) superbes… Voici plusieurs morceaux pour le découvrir.

« Tes parents » (2002) : texte hyper drôle sur les stéréotypes familiaux et sur la reproduction sociale (Bourdieu) ; le narrateur est amoureux d’une fille et est prêt à tout pour que leur union dure.

Version live (au Bataclan en 2009) avec le texte complètement réinventé (incroyable !) :

« Natation synchronisée » (2004) : comme souvent chez Delerm, la chanson convoque les souvenirs, dans une sorte de nostalgie évoquant le bon temps, ici les années lycée. 

« Je ne veux pas mourir ce soir » (2016) : tout est dit.

« Vie Varda » (2019) : c’est une chanson sur l’authenticité, le désintéressement, l’émotion de découvrir un bonheur simple, tout ce qu’était Agnès Varda, immense cinéaste du quotidien et donc de la profondeur, femme de Jacques Demy : « Faire une vie hors compétition / Si je peux dormir contre toi / Si je peux t’aimer dans le froid / Si je peux jusqu’à la fin des temps / Dans les rues te photographier / À Lisbonne un matin d’été / Si je peux encore un instant ». C’est magnifique de simplicité et d’évidence.

« Panorama » (2019) / On y trouve, récurrente, la phrase « Les films sont des trains dans la nuit ». C’est en fait une citation extraite du film « La nuit américaine » de François Truffaut (Delerm dit d’ailleurs à un moment : « François me dira : les trains… »).  Il y a là une sorte de projet pluri-artistique, qui va au-delà du clip, et qui mêle musique (pas mal d’électro bienvenue), paroles, voix, images animées, mise en scène fictionnelle, témoignages vivants (dont Aloïse Sauvage, qui danse, et le magnifique Alain Souchon, qui parle et qui fume), références, référents, un travail réel sur le cadrage, la couleur et le noir et blanc, de la voix chantée et de la voix off parlée, qui font que la poésie opère.

« Paris » (2023) : chanson récente très intime (aux arrangements très beaux, texte dit et non chanté), hommage à la capitale française où se mêlent les souvenirs personnels du chanteur, le début des expériences de vie, le cinéma, l’architecture parisienne et les lieux associés à sa propre mémoire. Morceau impressionnant, qui me fait beaucoup penser à l’ambiance des romans de Patrick Modiano.