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Les chansons de Ludovic - Téléphone / Jean-Louis Aubert

(Re)découvrez l'originalité de la chanson française et francophone !
Ludovic Gourvennec

Je suis professeur de français et j'ai effectué l'essentiel de ma carrière à l'étranger. Je suis actuellement en poste dans le réseau des Écoles européennes. J'ai soutenu une thèse de doctorat consacrée à la chanson.

Pour vous aider à exploiter mes chansons en classe, n'hésitez pas à feuilleter mon article tiré de la revue de l'Association belge des professeurs de français "Vivre le français" : "Classe de FLE : 20 activités pour exploiter une chanson"

Ludovic Gourvennec

Nous avons déjà abordé la dialectique entre groupe et carrière solo. Mais il importe en définitive de savoir si le groupe est plus important en termes de succès (auquel cas on ne bouge pas et on gère), si la parenthèse solo est une forme de respiration salvatrice, de déclinaison individuelle de l’entité pour dire la singularité, d’espace pour créer ou recréer (ou créer différemment), ou si cette parenthèse seul.e devient finalement plus importante que le « ensemble ». Si après l’escapade (ou l’infidélité – parfois les choses se disent en termes amoureux), on se retrouve artistiquement ou pas. Si le fait d’être allé ailleurs permet de refertiliser la création collective…

Je me dis tout cela en pensant à Jean-Louis Aubert qui est un artiste très important de la scène francophone (bien qu’il ait un physique un peu à la Iggy Pop). Au départ, évidemment, il y a le groupe Téléphone. Années 1980, « quelque chose en toi ne tourne pas rond » ! C’est une formation qui prend le virage entre le punk excessif et le rock qui à cette époque tend à décliner, et qui, dans un style à la fois impactant et consensuel, initie un genre hybride qui va devenir plus tard la tendance. Téléphone crée de très belles chansons (« La bombe humaine », par exemple) mais divise les puristes de l’esthétique rock intégrale (intégriste ?) et satisfait les auditeurs de chanson française. Selon moi, ils nous font entrer dans l’air moderne de la porosité des genres, des publics, des espaces, démarche positive, ce en quoi je les considère en fait comme des précurseurs de cette mutation qui s’opère aujourd’hui. On visite donc ici un peu Téléphone (le groupe s’est séparé en 1986) et ensuite Jean-Louis Aubert.

Téléphone en quatre titres qui montrent l’évolution du groupe.


« Argent trop cher » (1981) : esprit punk et de rejet de la société capitaliste (« La vie n’a pas de prix »).

« Cendrillon » (1982) : tube intégral qui, sans doute, constitue une chanson emblématique du groupe, mais où on amorce le basculement du rock pur vers la variété (ce qui n’est pas du tout un gros mot), sans que cela nuise évidemment à la qualité de cette très belle chanson. Dans cette belle vidéo INA (merci pour tous les documents), c’est Louis Bertignac qui chante.

 

« Un autre monde » (1984) : chanson / tube très notable à cette époque mais finalement assez consensuelle où l’on aspire à des choses assez douces et pas révolutionnaires.

« J’irai à New York avec toi » (1984) : version live imparable pour la bande-son du film à succès à l’époque, « Marche à l’ombre », de Michel Blanc. Le riff guitare du début est très reconnaissable.

1986 constitue l’année de séparation, Jean-Louis Aubert choisissant de mener son propre projet (avec le batteur Richard Kolinka). Téléphone se reformera ponctuellement en 2015/2017 sous le nom Les Insus (car la bassiste Corinne Marienneau refusera de participer au projet), mais la voie solo s’assume désormais avec la voix et le nom de Jean-Louis Aubert (qui participera d’ailleurs à de nombreuses collaborations, dont Barbara par exemple, en 1995, ou Louise Attaque ou Patrick Bruel…). Il intégrera également la troupe des Enfoirés. Voici quelques chansons importantes.


« Juste une illusion » (1986) : premier tube en solo avec un texte assez ésotérique et un clip très décalé.

« Voilà c’est fini » (1989) : chanson à double sens, sur la séparation amoureuse mais qui fait écho à celle, récente à ce moment-là, du groupe Téléphone.

« Sur la route » (2003) : super duo avec Raphaël, qui émergeait à cette époque. Le texte, très bien écrit et dont le titre rappelle évidemment le roman de Kerouac, évoque cet idéal de l’ailleurs et de la transhumance, d’une liberté à conquérir. Il est frappant de mesurer la similitude des deux timbres de voix, ensemble dans leur périple. Très beau clip mi-réaliste, mi-animation.

 « Demain sera parfait » (2010) : chanson très optimiste qui balaie les accrocs de l’existence pour valoriser un futur souriant.

« Maintenant je reviens » (2011) : ballade beaucoup plus douce, en forme de résurrection, adressée à ses proches et au public, avec des accents musicaux évoquant Bob Dylan.

« Merveille » (2024) : morceau presque philosophiquement hédoniste du plaisir pris à profiter des choses simples de l’existence, une mer au soleil, le chant des cigales, un moment passé avec l’être qu’on aime, le tout sur un rythme léger et festif qui donne envie d’être en vacances et de voir l’été revenir.