Nous avons déjà abordé la dialectique entre groupe et carrière solo. Mais il importe en définitive de savoir si le groupe est plus important en termes de succès (auquel cas on ne bouge pas et on gère), si la parenthèse solo est une forme de respiration salvatrice, de déclinaison individuelle de l’entité pour dire la singularité, d’espace pour créer ou recréer (ou créer différemment), ou si cette parenthèse seul.e devient finalement plus importante que le « ensemble ». Si après l’escapade (ou l’infidélité – parfois les choses se disent en termes amoureux), on se retrouve artistiquement ou pas. Si le fait d’être allé ailleurs permet de refertiliser la création collective…
Je me dis tout cela en pensant à Jean-Louis Aubert qui est un artiste très important de la scène francophone (bien qu’il ait un physique un peu à la Iggy Pop). Au départ, évidemment, il y a le groupe Téléphone. Années 1980, « quelque chose en toi ne tourne pas rond » ! C’est une formation qui prend le virage entre le punk excessif et le rock qui à cette époque tend à décliner, et qui, dans un style à la fois impactant et consensuel, initie un genre hybride qui va devenir plus tard la tendance. Téléphone crée de très belles chansons (« La bombe humaine », par exemple) mais divise les puristes de l’esthétique rock intégrale (intégriste ?) et satisfait les auditeurs de chanson française. Selon moi, ils nous font entrer dans l’air moderne de la porosité des genres, des publics, des espaces, démarche positive, ce en quoi je les considère en fait comme des précurseurs de cette mutation qui s’opère aujourd’hui. On visite donc ici un peu Téléphone (le groupe s’est séparé en 1986) et ensuite Jean-Louis Aubert.
Téléphone en quatre titres qui montrent l’évolution du groupe.
« Argent trop cher » (1981) : esprit punk et de rejet de la société capitaliste (« La vie n’a pas de prix »).