Les chansons de Ludovic - Serge Rezvani

Il subsiste parfois des anomalies à l’échelle de l’histoire des arts. Il est des artistes fondamentaux qui restent dans l’ombre, au point que parfois, on connaît leurs œuvres, leurs films, leurs chansons, sans savoir qu’ils.elles en étaient à l’origine. Serge Rezvani (qui a régulièrement pris le pseudonyme de Cyrus Bassiak) en fait sans doute partie car vraisemblablement peu nombreux sont les gens des nouvelles générations à pouvoir dire qu’il ou elle connaît cet auteur essentiel.

Né en Iran en 1928 et arrivé en France à l’âge d’un an, de langue maternelle russe, ami des surréalistes et de Paul Eluard en particulier, il s’investit d’abord dans la peinture et rencontre en 1950 sa femme et muse, Lula, qui inspirera grandement son œuvre et intégrera le titre de nombreuses pièces. Rezvani est un artiste au volume et à la diversité de production impressionnants : l’autobiographie (Les années Lumières (1967) et Les années Lula (1968)), le roman (L’origine du monde 2000), les nouvelles (Les voluptés de la déveine 2004), la poésie (Elégies à Lula 1999), le théâtre, le cinéma puisqu’il collaborera avec les artistes de la Nouvelle Vague, comme Jean-Luc Godard, etc. Mais la chanson constitue un art bien plus abordable et il a créé un nombre impressionnant de morceaux que, probablement, vous connaissez, sans savoir qu’il en est l’auteur, car les interprètes auront davantage été identifié.e.s que le concepteur. Voici quelques exemples représentatifs de cette œuvre magistrale, touchante, si touchante, où s’affirme l’art incroyable de la mélodie. 

« Le tourbillon de la vie » (1962) : chanson phare du film « Jules et Jim » de François Truffaut. On a là un texte poétique génial qui dit à la fois la simplicité et la complexité d’une relation amoureuse, faite de désir, de séparation et de retrouvailles. Diverses interprétations ou exégèses ont été développées mais chacun doit se l’approprier et c’est donc un texte fondamentalement ouvert sur le sens que le récepteur (vous et moi) a à construire. La magnifique Jeanne Moreau l’interprète.

Version de Pomme (2021)

« J’ai la mémoire qui flanche » (1963) : à quasiment la même époque, magnifique chanson qui parle d’une relation amoureuse, qui dit dans son texte une forme de nostalgie et qui transcrit dans son rythme une forme d’optimisme, si bien qu’il est difficile de trancher : est-ce une chanson gaie ou triste ? Toujours ici avec la voix de Jeanne Moreau.

« Jamais je n’ai t’ai dit » (1965) : chanson de la pudeur amoureuse, où les amants intègrent lentement le respect du sentiment de l’autre et le caractère évolutif de l’amour, chanson au rythme lent qui correspond à l’évolution lente des sentiments qu’elle dit. Ici, c’est la voix de Rezvani.

« La ligne de chance » (1965) : version extraite du film « Pierrot le fou » de JL Godard avec Jean-Paul Belmondo et Anne Karina.

« Nous vivions deux » (2008) : duo acoustique immense entre Rezvani et Helena Noguerra pour cette chanson des amours débutantes, insouciantes, passionnantes.

« Tantôt rouge tantôt bleu » (1966) : ici dans la version de Mona Heftre (2000), magnifique chanson d’amour, du point de vue d’une artiste dans sa loge qui se souvient du passé au rythme lancinant des fluctuations de couleurs métaphoriques (rouge, bleu…).

« Notre folle jeunesse » (1994) : une forme d’expression de l’amour absolu, unique, passionnel, à l’échelle d’une vie, avec cette sincérité de ce qui est indubitable.