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Les chansons de Ludovic - Salvatore Adamo

(Re)découvrez l'originalité de la chanson française et francophone !
Ludovic Gourvennec

Je suis professeur de français et j'ai effectué l'essentiel de ma carrière à l'étranger. Je suis actuellement en poste dans le réseau des Écoles européennes. J'ai soutenu une thèse de doctorat consacrée à la chanson.

Pour vous aider à exploiter mes chansons en classe, n'hésitez pas à feuilleter mon article tiré de la revue de l'Association belge des professeurs de français "Vivre le français" : "Classe de FLE : 20 activités pour exploiter une chanson"

Ludovic Gourvennec

A l’instar d’artistes comme Charles Trenet naguère, Charles Aznavour, Véronique Sanson ou Pierre Perret plus récemment, il est des figures qui traversent les époques, les styles, les tendances en se maintenant, contre vents et marées, au contact du public, qui vient les acclamer, nombreux. Salvatore Adamo, d’origine italienne et de nationalité belge, fait partie de ces légendes de la chanson francophone, qui ont fait rayonner notre belle langue en Europe et aux quatre coins du globe et qui méritent une belle place sur le podium de ses illustres représentants. Sympathique et avenant, Adamo a tout du gendre idéal ou du bon pote qui sait bien jouer de la guitare – et c’est vrai que, dans ses interviews, il apparaît comme quelqu’un de très agréable et urbain –, mais on peut sans conteste mesurer ce que ce petit immigré sicilien d’après la 2ème guerre mondiale, débarquant dans le Hainault, a dû déployer de force d’âme pour s’intégrer à la variété naissante des années 60, avec sa bouche un peu de travers. Quelle volonté, quelle persévérance, quelle pugnacité admirables ! 
Présent sur cette fameuse photo des artistes emblématiques du yéyé en 1966 (cliché de Jean-Marie Périer), il a su déployer ses propres ailes artistiques et, d’une certaine manière, créer son propre style. Voici quelques chansons issues d’un choix, comme il se doit, tout subjectif (mais j’en connais tellement que faire un choix est cruel…).

« Vous permettez, monsieur » (1965) / On est là typiquement, sous couvert d’humour latent, dans la dimension socioculturelle de la chanson, qui nous permet d’identifier et de conserver des traces de pratiques qui n’existent plus – traces d’autant plus précieuses (pour rappeler le patriarcat fondamental des années 50).

« Une mèche de cheveux » (1966) / Avec cette belle ligne lancinante de guitare, chanson d’amour empreinte de nostalgie, de coffre énigmatique et de fétichisme (une mèche de cheveux comme relique).

« Inch’allah » (1966) / Vouloir faire une chanson fédératrice sur le conflit israélo-palestinien semble compliqué, et Adamo, en dépit de sa démarche positive, a essuyé un grand nombre de critiques à l’époque. C’est pourtant une très belle chanson, avec une ligne mélodique pure – mais cela interroge vraiment sur la fonction politique et engagée des chansons. Peuvent-elles influer sur le cours des choses ou ne sont-elles que le reflet des évènements ?
Ici version avec Maurane :

« Le ruisseau de mon enfance » (1969) : où l’on voit qu’il maîtrise la guitare (en composition et interprétation), à l’instar des grands de l’époque (Jean Ferrat, Georges Moustaki ou Guy Béart par exemple). Chanson nostalgique assez intemporelle.

Magnifique version avec Raphaël (2008) :

« J’avais oublié que les roses sont roses » (1972) / Là, avec les coupes de cheveux improbables, c’est la chanson amoureuse de la résurrection, après les déceptions affreuses de la rupture, le retour du désir à un rythme dynamique (et des arrangements chouettes) – même si on est dans un pauvre bateau-mouche !

Belle version avec Renan Luce (2008) :

« C’est ma vie » (1975) / Chanson qui s’inscrit entre la banalité des existences communes et l’originalité de celle des artistes, dans cette volonté paradoxale mais sincère de formuler simplement et modestement la simplicité de l’homme qui perdure par delà son succès, et sans doute aussi ce désir de parler directement à son public (car le texte est très métaphorique et le « tu » polysémique).

« Les filles du bord de mer » (1964) : chanson assez légère qu’on pourrait dire „de week-end” ou „de vacances” mais qui est fortement teintée de nostalgie et qui, dans cette version exceptionnelle – et carrément culte – avec Arno à l’Ancienne Belgique de Bruxelles, s’avère profondément touchante.

 

Après une série de représentations annulées pour cause de maladie, Adamo était en concert au Cirque Royal de Bruxelles en octobre 2024 et ce fut un moment magnifique. Presque 2h30 de concert (quand les nouvelles générations assurent en général environ 1h30) dans une salle comble. 8 musiciens excellents (certains parmi les fidèles dans le temps) ont su apporter la touche artistique idéale (notamment avec des violons et une contrebasse). Alternance de morceaux dynamiques et d’autres plus doux, de chansons très connues (dont, évidemment, les classiques non cités plus haut comme « La nuit » ou « Tombe la neige ») et d’autres moins diffusées, de titres dynamiques et d’autres simplement à la guitare/voix : une grande réussite, plein d’humanité et de délicatesse.