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Les chansons de Ludovic - Manu Chao

(Re)découvrez l'originalité de la chanson française et francophone !
Ludovic Gourvennec

Je suis professeur de français et j'ai effectué l'essentiel de ma carrière à l'étranger. Je suis actuellement en poste dans le réseau des Écoles européennes. J'ai soutenu une thèse de doctorat consacrée à la chanson.

Pour vous aider à exploiter mes chansons en classe, n'hésitez pas à feuilleter mon article tiré de la revue de l'Association belge des professeurs de français "Vivre le français" : "Classe de FLE : 20 activités pour exploiter une chanson"

Ludovic Gourvennec

Manu Chao semble unique et éternel, à la fois présent et évanescent, on le connaît, on l’écoute, et il disparaît, il affole les foules dans un festival effarant, et il vient jouer devant 15 personnes pour une cause évidente, il génère des profits très importants et semble s’en moquer, toujours au contact des gens, de la vie, des envies, du moment. Il chante, il produit, il invente, il crée du lien, il invite, bref il milite. Il est en quelque sorte une incarnation vivante du lien social et politique qu’on imagine idéal. On a l’impression qu’il ne vieillit pas et qu’il est immortel. Il ouvre son œuvre vers le monde, l’Amérique latine ou l’Afrique (où il a par exemple produit un album d’Amadou et Mariam). Sa démarche, en définitive, peut être considérée comme politique puisqu’il va même jusqu’à définir un prix limite pour les places de concert.

A l’origine, quand même, il y a la Mano Negra, dès 1987, dont il faut se souvenir absolument, parce que cela a constitué une déflagration immense, à l’époque des Rita Mitsouko et de Noir Désir. Mano Negra a injecté dans la scène française un rythme punk enrobé de langue espagnole qui a séduit de façon imparable.

« Mala vida » (1988) : voilà du clip vintage pour une morceau d’anthologie, titre emblématique sur lequel se sont défoulées les générations des années 90.

Mais le groupe finit par se séparer et Manu Chao vole de ses propres ailes pour à la fois faire perdurer l’esprit Mano Negra et développer un style bien à lui, sans doute plus calme musicalement et rythmiquement, dans l’esprit reggae, mais pas moins engagé sur le fond. Il va ainsi produire plusieurs albums tous très réussis, avec les pépites suivantes.

« Clandestino » (1998) : chanson modestement politique sur l’immigration.

« Me Gustas Tu » (2001) : mélodie lancinante qui dit une forme d’incertitude, de perte des repères et la nécessité de trouver des ancrages pour tenir et avancer. C’est magnifique.

Dans sa démarche sans cesse confirmée d’ouverture vers d’autres cultures, d’autres styles, d’autres univers que le sien ou d’autres personnes, en 2004, Manu Chao a sorti un ovni tout à fait fabuleux, une sorte de livre-disque intitulé « Sibérie m’était contée », album concept, type bd, dans lequel alternaient des dessins du génial Wozniak et les textes des chansons de Manu Chao qui figuraient dans le cd inclus dans le pack. Voici trois morceaux de cet album exceptionnel au style si singulier et reconnaissable.

« Petite blonde du Boulevard Brune » (2004) / Ambiance fête foraine et bal musette pour cette magnifique rengaine parisienne aux parfums de nicotine, qui parle de cigarette mais aussi de police.

« Il faut manger » (2004) / Chanson incroyablement d’actualité sur les problèmes du quotidien. 1 mn 46 secondes de chanson existentielle (donc politique, non ?) !

« J’ai besoin de la lune » (2004) / Cette version est absolument incroyable. Manu Chao dans la rue, assis comme un mendiant, en 2020, au moment de la pandémie, en « Corona-cactus version », ou « Corona-rictus », si souriant, au ras de la route, au niveau des gens, incognito, jouant son morceau avec son ukulélé, en levant la main et les yeux au ciel au moment du refrain, c’est si minimaliste et si puissant à la fois :

2024 marque son grand retour avec un album intitulé « Viva Tu » et on a super hâte de la revoir en concerts, qu’ils soient officiels ou un peu à la marge et sans info préalable, comme il en a l’habitude de le faire.

« Tu te vas » (2024) : on retrouve le rythme reggae à la guitare acoustique qu’on connaît, le mélange des langues et l’ouverture à d’autres artistes (ici Laeti, très belle voix). Chanson assez pessimiste sur la séparation (« Je reviendrai jamais »).

« Viva Tu » (2024) : clip super bien fait, qui restitue une ambiance festive de vie, entre visages et anonymat, communauté fraternelle, avec la mélodie langoureuse, c’est super chouette.