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Les chansons de Ludovic - Lynda Lemay

(Re)découvrez l'originalité de la chanson française et francophone !
Ludovic Gourvennec

Je suis professeur de français et j'ai effectué l'essentiel de ma carrière à l'étranger. Je suis actuellement en poste dans le réseau des Écoles européennes. J'ai soutenu une thèse de doctorat consacrée à la chanson.

Pour vous aider à exploiter mes chansons en classe, n'hésitez pas à feuilleter mon article tiré de la revue de l'Association belge des professeurs de français "Vivre le français" : "Classe de FLE : 20 activités pour exploiter une chanson"

Ludovic Gourvennec

Lynda Lemay, chanteuse québécoise, a commencé sa carrière en 1990. Dans la sphère de la francophonie, et de la chanson francophone en particulier, elle occupe une place importante, car elle a perpétué à sa manière un héritage dans lequel le texte a une part prépondérante (ce qui ne veut évidemment pas dire que la musique soit secondaire), soutenue par exemple par Charles Aznavour qui avait vu en elle un talent. Armée de sa guitare acoustique, elle a su aborder, dans ses innombrables chansons, énormément de thèmes sociétaux contemporains, de problématiques concrètes, avec un esprit progressiste et féministe, constructif sans être agressif ou inutilement polémique. Elle semble toujours trouver le ton juste pour traiter ses sujets, tant ses textes sont très bien écrits, avec un souci constant du mot bien posé et de la rime adéquate. Et surtout, son œuvre et ses spectacles sont caractérisés par une bonne dose d’humour (quand on écoute ses chansons, très souvent, on rigole), ce qui n’est pas la moindre de ses qualités, car faire rire ou sourire sur des sujets délicats est justement la preuve d’une délicatesse exquise. Je ne résiste pas à l’envie de vous citer, pour exemples de ces enjeux sociétaux et (parfois) humoristiques, les titres explicites des chansons suivantes : « Bande de dégonflés » (2000), « Ça sent le bébé » (2003), « Qu’est-ce qu’on va devenir, mon homme » (2005), « Si je ne te fais pas d’enfant » (2006), « La partouze » (2008), « Puis les enfants sont arrivés » (2013), « La sadique » et « Sois gentille avec Marcel » (2020), « Paul aime Paul » (2021), « Ma mère amère » (2021), « Nausée ah bon… » (2023)… Voici d’autres titres remarquables.
 

« Les maudits Français » (1996) : magnifique chanson interculturelle, pleine d’humanité, et super drôle, sur la perception qu’ont les Québécois des Français de métropole (la perception de Lynda Lemay semble partagée par ses auditeurs…), sur la terminologie du quotidien différente et sur les habitudes divergentes. Il y a quelque chose aussi du décalage entre la représentation que les Français ont d’un pays et d’un territoire et ce qu’il en est réellement.

« Le plus fort c’est mon père » (1996) : chanson d’ordre psychanalytique. En interrogeant sa mère, et en particulier la fidélité dans le couple, la narratrice se demande comment une femme fait pour trouver l’homme qui serait idéal, s’interroge sur son propre rapport aux hommes, sur le modèle paternel (papa fidèle) qui deviendrait une référence incontestable. Et comment elle-même semble avoir des difficultés à se stabiliser.

« Les souliers verts » (1998) : l’adultère, subie par les femmes, mise en chanson et mise en évidence de façon imparable, avec toute la gravité indispensable, et en même temps le beau décalage humoristique.

« Au nom de toutes les frustrées » (1999) : C’est une sorte d’hymne féministe, adressé à toutes les femmes qui souffrent, et que l’on peut reprendre à n’importe quelle époque. Mais c’est aussi une déconstruction des images féminines idéalisées (genre Shakira) pour dire qu’il faut accepter chacune dans la simplicité et l’originalité de son identité physique et psychologique.

« Ne t’en va pas » (2003) : magnifique chanson qui s’adresse à son papa malade pour qu’il guérisse et qu’il ne meure pas. C’est génial de sincérité, de choses dites clairement.

« L’arc en ciel » (2023) : très belle chanson sur son statut d’artiste, à la fois éphémère et durable.

Lynda Lemay était en concert au cirque royal de Bruxelles le 4 décembre 2024 et il faut dire avant tout que le concert a duré 2h45 (Christ de Tabarnak ! comme on dit là-bas), ce qui est absolument particulier aujourd’hui. D’un dynamisme incroyable, elle a interprété énormément de chansons, certaines très courtes, d’autres approfondies, alternant les sujets tragiques (la mort d’un enfant par noyade, le cancer, l’amour pour son enfant handicapé…) et d’autres moins pesants (la visite chez le gynéco, l’ambition d’une mère pour son enfant qui finalement choisit d’être mime…). Accompagnement minimaliste mais extrêmement efficace (violon, guitare, piano), ce concert était une merveille. C’était tellement bien d’écouter ces morceaux en langue française par une Québécoise en Belgique : la francophonie incarnée !