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Les chansons de Ludovic - Grand Corps Malade

(Re)découvrez l'originalité de la chanson française et francophone !
Ludovic Gourvennec

Je suis professeur de français et j'ai effectué l'essentiel de ma carrière à l'étranger. Je suis actuellement en poste dans le réseau des Écoles européennes. J'ai soutenu une thèse de doctorat consacrée à la chanson.

Pour vous aider à exploiter mes chansons en classe, n'hésitez pas à feuilleter mon article tiré de la revue de l'Association belge des professeurs de français "Vivre le français" : "Classe de FLE : 20 activités pour exploiter une chanson"

Ludovic Gourvennec

Cette semaine, nous allons évoquer un artiste très très important de la scène francophone, Fabien Marsaud. Vous connaissez ? Probablement non car cette identité officielle est en réalité occultée par un pseudonyme artistique, Grand Corps Malade (GCM). Là, sans doute, vous situez mieux, non ? Mais pas sûr, alors on rappelle. Fabien, type il faut bien dire plein de vie, est victime à 20 ans d’un grave accident qui le rend partiellement paralysé. Ses rêves de sport s’effondrent, mais ses immenses dons de résilience l’orientent vers le slam qui sera sa bouée salvatrice, son terrain de création, de récréation, de re-création. Il devient même une sorte d’incarnation du slam en France. La machine poétique est alors lancée et j’ai vraiment le sentiment, en écoutant GCM au fil du temps, de voir cette énergie créatrice en mouvement, sans trêve, pleine de rêves, dans un flux continu, si ténu, comme si écrire était vital, il faut que le flow devienne normal, comme s’il fallait dire au monde ce qui ne va pas, et donc comme s’il fallait que le dire colle aux mots.

Toute cette énergie créatrice déborde les arts car GCM s’intéresse aussi au cinéma, et, comme réalisateur, il signe « Patients » en 2017 (chronique d’un centre de réadaptation corporelle), « La vie scolaire » en 2019 (présentant le monde de l’éducation et de la scolarité) et « Monsieur Aznavour » en 2024. Mais GCM, sans doute parce qu’il a grandi au Blanc-Mesnil en Seine-Saint-Denis, a une conscience aiguë de la chose politique. Son œuvre, souvent poétique et pleine d’amour, est ainsi très souvent synonyme d’engagement, à quelque niveau qu’on puisse le mesurer, droits de tous les citoyens, respect des causes féministes, éducation équitable et progressiste, etc. Voici plusieurs exemples de ces engagements divers, comme toujours ce choix est subjectif.

« Les voyages en trains » (2006) : sur ce premier album où figure aussi le très beau « Midi 20 » (chanson qui explique les raisons, le contexte et les conditions de son handicap), voici ce très beau morceau métaphorique, où les trajets en train sont des images de nos existences et des histoires d’amour.

« Education nationale » (2010) : chanson totalement politique sur le statut de l’école en zone défavorisée, très souvent en banlieue urbaine. Il est terrible de constater que ce cri d’il y a presque 15 ans est toujours d’actualité.

« Dimanche soir » (2018) : magnifique chanson d’amour, déclaration d’un engagement fort, qui dit qu’effectivement, le dimanche soir a quelque chose de triste, d’un espace de deux jours tranquilles qui s’achèvent. Ici, magnifique version en live.

« Tu peux déjà » (2018) : c’est une chanson absolument exceptionnelle à plus d’un titre. D’une part, elle parle du thème de la naissance du 2ème enfant, pour dire de façon magnifique que la première naissance était géniale mais qu’il n’y a pas de banalité de la seconde (c’est un événement aussi extraordinaire) ; d’autre part, GCM, comme il le dit effectivement dans la chanson, chante vraiment, et ne se contente pas de slamer ou de parler ; enfin, il y a du Ben Mazué là-dessous et on le retrouve dans la version de Taratata (bricolée dans les loges).

« Nos plus belles années » (2020) : dans le super album « Mesdames », plein de duos très réussis (avec entre autres Louane, Suzane, Camille Lellouche…) où, à l’époque de l’émergence du mouvement metoo, il a contribué en chansons à diffuser une conception égalitaire des rapports homme-femme, on trouve cette très belle chanson avec Kimberose.

« Tailler la route » (2022) : GCM a fait une pause en 2022 pour collaborer avec Ben Mazué et Gaël Faye, respectant ainsi une promesse faite de trouver un moment pour composer dans le rush des tournées. Ils ont produit un magnifique album, que j’ai chroniqué par ailleurs, dans lequel figure ce super morceau, sur l’idée d’aller chercher ailleurs les belles choses. Chaque artiste apporte sa touche originale et spécifique au morceau collectif.

« Enfant de la rue » (2022) : très belle collaboration reggae avec le grand Tiken Jah Fakoly, super émouvante sur la détresse des enfants délaissés.

 

« C’est aujourd’hui que ça se passe » (2024) : sur l’album « Reflets » - vu la situation écologique et sociétale alarmante, voici un hymne à l’action. A nouveau une chanson top, très bien écrite !

« Ce que j’aime » (2024) : beau duo avec NIKOLA, avec un texte simple mais chouette et très touchant dans lequel, selon un ping-pong verbal, chacun énumère les bonheurs souvent prosaïques qui nous offrent des moments de bien-être (vous n’avez jamais écrit un texte de ce genre ?). Et GCM chante à nouveau un peu sur les refrains.

« A chacun sa bohème » (2024) : GCM a co-réalisé, avec Mehdi Idir, le film « Monsieur Aznavour ». Et en parallèle au film, dans le style « reprise », voici un magnifique exemple de réappropriation de la chanson de l’auteur original par GCM pour créer une version adaptée, (re)centrée sur les quartiers d’aujourd’hui, et donc réactualisée. « A chacun sa bohème » : nous pouvons tous avoir des lieux qui nous ont touchés lorsque nous étions jeunes. Une vraie réussite.