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Les chansons de Ludovic - Francis Cabrel

(Re)découvrez l'originalité de la chanson française et francophone !
Ludovic Gourvennec

Je suis professeur de français et j'ai effectué l'essentiel de ma carrière à l'étranger. Je suis actuellement en poste dans le réseau des Écoles européennes. J'ai soutenu une thèse de doctorat consacrée à la chanson.

Pour vous aider à exploiter mes chansons en classe, n'hésitez pas à feuilleter mon article tiré de la revue de l'Association belge des professeurs de français "Vivre le français" : "Classe de FLE : 20 activités pour exploiter une chanson"

Ludovic Gourvennec

Francis Cabrel constitue une sorte de double marque déposée, à l’échelle nationale et à l’échelle locale. D’une part artistiquement, évidemment, dans la chanson française, car il l’a marquée depuis bien longtemps déjà (la fin des années 70) avec ses si nombreux tubes. Mais d’autre part, d’une certaine manière idéologiquement, éthiquement ou localement, car, originaire d’Agen, il s’est engagé au point de devenir maire de sa petite commune du sud de la France, et car il a créé, dans sa terre natale, une structure musicale visant à promouvoir les nouveaux talents. Il est finalement assez rare de voir des artistes aussi unanimement reconnus et qui, presque parallèlement, fuient la célébrité, qui pensent autant à eux qu’aux autres (il est sympa, en plus, il fait plein de tutos sur YouTube). 

Car Francis Cabrel est une pointure de la chanson qui a créé des tubes qui resteront dans la culture française mais qui, et ce n’est pas si fréquent, tente de se renouveler. Voici un panorama de son œuvre abondante, dans laquelle je sélectionne subjectivement les chansons que je préfère, et qui m’ont accompagné dans mon existence depuis mes 15 ans.

« Les murs de poussière » (1977) : chanson des soirées entre potes, où, quand on est tout jeune, on se dit qu’il faudra partir et aller découvrir le monde. Or, ce texte, qui est d’un abord positif et intéressant, qui fait la part belle sur deux couplets aux vertus de l’ouverture, de la capacité à s’extraire d’un milieu et à aller découvrir d’autres contrées qui enrichiront culturellement les individus, se conclut finalement sur le fait que l’idéal reste indéfectiblement sa terre d’origine (même si on a parcouru la diversité du monde, c’est bien de revenir car il n’y a pas mieux ailleurs que chez soi, « Heureux qui comme Ulysse » disait Du Bellay, repris naguère par Brassens et plus récemment par Ridan). 

« Carte postale » (1981) : les clips dans leur pire période kitsch, mais on avait envie de jouer aussi bien que lui à la guitare.

« Rosie » (1989) : la chanson du loser, à laquelle beaucoup d’ados de l’époque (dont moi) se sont identifiés, forcément.

« La corrida » (1994) : chanson très importante, majeure même (avec une très belle orchestration entre symphonie et silences), qui marque l’engagement, mais de façon nuancée (cette ligne mélodique subtile et claire opposée aux emballements musicaux ponctuels), car littérairement fondée sur le point de vue narratif original, ici celui du taureau destiné à mourir. Quand la perspective littéraire et narrative devient un outil politique. Magnifique. 

À l’instar de plusieurs artistes « anciens » qui continuent de créer en défiant le temps, Francis Cabrel (il a 70 ans) a sorti en 2023 un nouvel album, avec cette chanson en tête de gondole.

« Un morceau de Sicre » (2023) : hymne incroyable (et politiquement revendicatif) à la ville de Toulouse et à l’emblématique Claude Sicre, des Fabulous Trobadors (et « ville où les Claude se suivent », comme Nougaro). Dans le clip apparaissent des figures locales, entre autres Emile, Jean-Pierre-Mader, Bigflo et Oli, Guy Novès (le monde du rugby)… et le métissage et/ou le multiculturalisme (ce magnifique refrain chanté) nous illuminent. Francis Cabrel est toujours vivant et debout. Respect, camarade !