NEWSLETTER

Les chansons de Ludovic - Cali

(Re)découvrez l'originalité de la chanson française et francophone !
Ludovic Gourvennec

Je suis professeur de français et j'ai effectué l'essentiel de ma carrière à l'étranger. Je suis actuellement en poste dans le réseau des Écoles européennes. J'ai soutenu une thèse de doctorat consacrée à la chanson.

Pour vous aider à exploiter mes chansons en classe, n'hésitez pas à feuilleter mon article tiré de la revue de l'Association belge des professeurs de français "Vivre le français" : "Classe de FLE : 20 activités pour exploiter une chanson"

Ludovic Gourvennec

Il est très important de dire (de l’intérieur) et de comprendre (de l’extérieur – mais souvent aussi de l’intérieur – le travail est immense) que notre société française n’est pas un bloc ou une identité de souche (monolithique et immuable) mais qu’elle s’est construite à l’aide de tous les apports (divers et savoureux) de l’outre-mer, des anciennes colonies, des nations proches quand la France a eu besoin de main-d’œuvre (Italie, Espagne, Portugal, Pologne…) et qu’elle s’est enrichie de tous ces trésors humains et culturels. 

Si j’ouvre ici mon propos sur cette idée même d’ouverture, de la mixité, de l’immigration, du métissage et du partage, c’est que je sais que c’est une thématique très chère à Bruno Caliciuri, dit Cali, originaire de Perpignan, super artiste surgi en 2003, et qui constitue, depuis, une valeur sûre de la chanson francophone actuelle, tant au plan individuel qu’à celui des collaborations qu’il mène à différents niveaux – et que j’aime beaucoup. L’engagement a fortement marqué sa famille et notamment celui contre le franquisme en Espagne, et cette donnée historique et familiale a eu sur lui un effet déterminant. 

J’ai eu la chance de mener avec lui un projet pédagogique d’envergure en 2004 au lycée franco-allemand de Freiburg, et je peux mesurer à quel point c’est quelqu’un de sensible, de vraiment sympa et de très ouvert. Ce projet s’inscrivait dans le sillon de la sortie de son premier album, L’amour parfait, dans lequel apparaissaient, en vrac, son écriture pointilleuse, un art de la mélodie, une rage aussi, bercée par la mélancolie toujours présente. Cali est en définitive un artiste puissant mais à fleur de peau (c’est un grand amateur de Léo Ferré), et c’est probablement cette sensibilité touchante qui a marqué le public. Il a mené de nombreuses collaborations avec des artistes assez divers, de ses idoles à l’origine les Waterboys, aux artistes plus récents Alain Bashung ou Mathias Malzieu des Dionysos. Il est même l’auteur de quelques livres (dont Seuls les enfants savent aimer) et il a également joué dans quelques films.Voici quelques chansons pour cerner son œuvre.


« C’est quand le bonheur » (2003) : c’est probablement son tube essentiel, celui qui l’a propulsé sur le devant de la scène francophone, sorte d’hymne dynamique et lancinant qui dit la passion amoureuse ambiguë (« La petite fleur qui va naître vous racontera mon chagrin ») mais aussi la possibilité de ne pas en mourir.

« La fin du monde pour dans dix minutes » (2005) : sur l’album Menteur figurent des chansons qui relatent sa situation compliquée de papa séparé, chansons d’une certaine manière sociologiquement engagées, mais je trouve vraiment que c’est dans la veine des approches sentimentales qu’il y est le meilleur, et voici un summum de l’amour traité avec impertinence et délicatesse érotique.

En 2008, il produit un (vraiment super) nouvel album (L’espoir) dans lequel plusieurs chansons incitent à la contestation, ou au moins à une sorte de sursaut citoyen (« L’espoir », « Résistance »…) mais où la thématique de l’amour, toujours, n’est jamais loin… Voici 2 extraits pour l’illustrer.

« Mille cœurs debout » (2008) : chanson de l’urgence à changer les choses et donc appel à une forme de révolte nécessaire.

« Comme j’étais en vie » (2008) : chanson assez bouleversante par sa tonalité nostalgique qui rappelle des moments anciens et agréables et qui montre l’art de Cali pour ces complaintes touchantes.

Depuis, il a continué à produire et je propose ci-dessous diverses chansons représentatives. 

« I want you » (2016) : chanson d’amour tournée vers demain avec une (légère) référence à Bob Dylan.

« Lâche pas » (2022) : chanson en forme d’hommage à un être proche, parent, frère, ami, entité qui permet aux autres de tenir, quand une forme de singularité retrouve l’universel.

« Alain Souchon » (2022) : incroyable chanson dans laquelle un bel artiste raconte une sorte de tranche de vie dépressive où un autre grand artiste de la nostalgie lui redonne du peps !

Cali était en concert au W-Hall de Bruxelles en novembre 2024. Dans ce spectacle de 2h30 (!) avec pour seul accompagnement les pianos ou claviers de Steve Nieve (vraiment impeccable), il a rejoué en intégralité son album L’amour parfait, sorti 20 ans plus tôt, et a repris plusieurs titres emblématiques (tous visiblement bien connus par le public belge). Cali est vraiment un artiste de la scène, qui la maîtrise parfaitement, qui a l’art de moduler l’ambiance (il a commencé le show au balcon, dans le public, en interprétant la magnifique « Roberta » (2005) puis est descendu dans la salle basse, conduisant le public à se lever dans l’auditorium d’ordinaire plus tranquille). Ses concerts proposent un subtil aménagement du rythme, entre dynamisme (il a de nouveau slamé et traversé le public porté par les bras des spectateurs, il a invité tout le monde sur scène à la fin…) et moments calmes, presque de recueillement, comme lorsqu’il a à plusieurs reprises rendu hommage à des artistes précieux (Arno, Jane Birkin, The Pogues, Rufus Wainwright, Abba…). Il alterne enfin humour et moments plus sérieux. Du grand art !