Il est très important de dire (de l’intérieur) et de comprendre (de l’extérieur – mais souvent aussi de l’intérieur – le travail est immense) que notre société française n’est pas un bloc ou une identité de souche (monolithique et immuable) mais qu’elle s’est construite à l’aide de tous les apports (divers et savoureux) de l’outre-mer, des anciennes colonies, des nations proches quand la France a eu besoin de main-d’œuvre (Italie, Espagne, Portugal, Pologne…) et qu’elle s’est enrichie de tous ces trésors humains et culturels.
Si j’ouvre ici mon propos sur cette idée même d’ouverture, de la mixité, de l’immigration, du métissage et du partage, c’est que je sais que c’est une thématique très chère à Bruno Caliciuri, dit Cali, originaire de Perpignan, super artiste surgi en 2003, et qui constitue, depuis, une valeur sûre de la chanson francophone actuelle, tant au plan individuel qu’à celui des collaborations qu’il mène à différents niveaux – et que j’aime beaucoup. L’engagement a fortement marqué sa famille et notamment celui contre le franquisme en Espagne, et cette donnée historique et familiale a eu sur lui un effet déterminant.
J’ai eu la chance de mener avec lui un projet pédagogique d’envergure en 2004 au lycée franco-allemand de Freiburg, et je peux mesurer à quel point c’est quelqu’un de sensible, de vraiment sympa et de très ouvert. Ce projet s’inscrivait dans le sillon de la sortie de son premier album, L’amour parfait, dans lequel apparaissaient, en vrac, son écriture pointilleuse, un art de la mélodie, une rage aussi, bercée par la mélancolie toujours présente. Cali est en définitive un artiste puissant mais à fleur de peau (c’est un grand amateur de Léo Ferré), et c’est probablement cette sensibilité touchante qui a marqué le public. Il a mené de nombreuses collaborations avec des artistes assez divers, de ses idoles à l’origine les Waterboys, aux artistes plus récents Alain Bashung ou Mathias Malzieu des Dionysos. Il est même l’auteur de quelques livres (dont Seuls les enfants savent aimer) et il a également joué dans quelques films.Voici quelques chansons pour cerner son œuvre.
« C’est quand le bonheur » (2003) : c’est probablement son tube essentiel, celui qui l’a propulsé sur le devant de la scène francophone, sorte d’hymne dynamique et lancinant qui dit la passion amoureuse ambiguë (« La petite fleur qui va naître vous racontera mon chagrin ») mais aussi la possibilité de ne pas en mourir.